Partenariat public-privé, une vieille solution ou une stratégie pour le futur?

Communiqué de presse :

Le groupe Français Eiffage a annoncé ce lundi 20 Juillet 2015 que sa filiale espagnole TP Ferro avait présenté au tribunal de commerce de Gérone une demande volontaire de mise sous administration judiciaire. Le groupe explique que cette demande survient faute d'un accord sur la restructuration de la dette de la société avec ses créanciers et les gouvernements français et espagnol dans un délai de quatre mois. Dans le communiqué, TP Ferro souligne toutefois que l'administration judiciaire ne signifie pas nécessairement la fin des activités de la concession.

Eiffage et ACS, les deux actionnaires de TP Ferro, ont en effet donné à la société les moyens de poursuivre son exploitation.

Pour mémoire, TP Ferro - dont Eiffage détient 50% aux côtés du groupe ACS - est concessionnaire de la ligne à grande vitesse Perpignan-Figueras qui a été mise en service en janvier 2009. La liaison n'a été raccordée au réseau espagnol à grande vitesse que fin décembre 2013, avec près de cinq ans de retard, un décalage qui a affecté, avec la faiblesse de l'offre de trains de voyageurs et la crise économique espagnole, l'équilibre de la concession tel que prévu à l'origine.

Mon commentaire:

Cette situation est une première illustration du défaut majeur des concessions quand elles s’appliquent à des infrastructures « critiques »: comme l’utilisateur final, Etat ou collectivité locale, ne peut se permettre que l’infrastructure concernée ne continue pas à fonctionner, la poursuite de l’exploitation passera forcément par un soutien financier de la collectivité, locale ou nationale.

Ce qui illustre directement les faits pratiques que je dénonce depuis des années :

- Pour cette raison de la nécessité de continuité de services, ces énormes concessions bénéficient de la garantie implicite de la collectivité lorsqu’elles rencontrent des difficultés, alors qu’elles ne partagent pas les bénéfices lorsque la situation est bonne. Cette garantie implicite de l’Etat, donnée avec l’argent du contribuable, n’est pas valorisée.

- La mise en concession d’énormes infrastructures conduit à ce qu’un nombre d’acteurs très restreint et de grande taille puisse concourir. La première conséquence en est de facto une situation d’absence de concurrence, souvent génératrice d’inflation rapide des tarifs, ce dont le contribuable est finalement la principale victime. La situation du marché autoroutier en France en est une bonne illustration. La seconde conséquence est que cette situation met les collectivités locales et nationales dans une situation de grande dépendance vis-à-vis de quelques grands groupes privés ce qui n’est pas forcément très sain.

Je m’en étais déjà ému lors de la conférence de la Nouvelle Ecole d’Athènes à Bordeaux en 2010 lorsque j’étais intervenu sur le thème « partenariat public-privé, une vieille solution ou une stratégie pour le futur ».

Je ne conteste pas l’intérêt, dans les circonstances économiques actuelles, d’utiliser des relais privés pour conserver des moyens d’investissement significatifs dans les infrastructures, synonymes d’attractivité et de compétitivité, et pour utiliser au mieux les capacités d’innovation et de bonne gestion des entreprises privées.

Mais il serait fort utile de réfléchir à une structuration différente des contrats de concession pour prévoir un droit de regard plus direct de la collectivité délégatrice sur la gestion de ces sociétés et un partage de rémunération lorsque la situation le permet.

Cela pourrait requérir un investissement public initial dans le montage de la concession, qui pourrait aussi permettre que les intérêts de la collectivité nationale soient mieux protégés sur le long terme.

L’entreprise privée, libérée de toute contrainte et de tout cadre réglementaire, n’est pas la solution miracle à tous les maux de la terre, comme le prétendent quelques chantres du libéralisme à tout crin.

L’Etat et les collectivités locales doivent assumer leurs rôles économiques, de régulateur mais aussi d’investisseur.

Posted on July 24, 2015 .